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Cieux de Tyrie

Le rescapé

17 Août 2015 , Rédigé par Jeradon


A la fin d’un après-midi pluvieux passé à cultiver les fruits dans la foret de Calédon, Roncebrume trouva un peu de temps libre. Assis sur le sable au bord d'un ruisselet, il traçait des caractères étranges, qu'il n'avait jamais vus...L'exercice était plaisant: Il suffisait de regarder les reflets de l'onde et la main traçait sans effort des caractères au contour précis.

Tout à son écriture il ne remarqua qu’au dernier moment le reflet du visage rieur de Sorcha dans l'onde claire. Joyeusement il se retourna vers sa sœur...Et il ne vit que le regard sans âge d'une femme silencieuse.
Éperdu, il jeta un regard autour de lui. Le sable du ruisseau avait été remplacé par un sol de terre battue. Un jour blafard pénétrait par deux fenêtres. Et nu comme un soliveau, il était étendu sur un lit étroit.
“Te voilà enfin réveillé.» dit la femme d'une voix traînante.
Roncebrume se sentit perdu: il tenta désespérément de se lever, avant de retomber en arrière, épuisé. «Qui êtes-vous, et où suis-je?»
La femme eut un rire sans joie...Elle s'approcha lentement, avant de toiser froidement le Sylvari. Maintenant Roncebrume pouvait voir la robe de bure informe qu'elle portait et plus encore les anneaux de métal pourpre qu'elle avait à ses poignets. Ses longs cheveux noirs flottaient librement sur ses épaules.
« La question est : qui es-tu et comment as-tu fait pour échouer au bord de la rivière. Explique-moi ça d'abord.»

Cette femme autoritaire n'avait rien à voir avec les fils de Svanir. Roncebrume commença à raconter comment des bandits Nornes l'avaient attaqué après qu’il se soit égaré dans les bois, mais bien vite, elle l'interrompit. «Attends, tu viens des Contreforts des voyageurs?» Devant l'acquiescement de Roncebrume, elle reprit «Tu t'es égaré. Tu es dans le Val Vieux, à trois jours de marche de la mer, et crois-moi tu t'es fourvoyé dans une contrée périlleuse.»
Un sourire moqueur passa rapidement sur son visage ovale.

Elle reprit «A mon tour maintenant. Je m'appelle Emmeline, et sous mon toit tu feras tout ce que je t'ordonnerai. Ici, à la lisière de la forêt, les gens ne viennent pas. Quand à ton arrivée ici...» Elle s'éloigna vers un coin de la masure avant de revenir, porteuse de lambeaux informes. D'un geste négligent elle les remit au Sylvari: voilà tout ce qui restait de son sac, et son armure.

Emmeline avait à nouveau un sourire moqueur sur le visage.
«Estime-toi heureux que la rivière n'ait pas fait de toi ce qu'elle a fait de tes vêtements. »
Furieux, Roncebrume tenta de se lever. Ses forces l'abandonnèrent et il retomba en arrière. Emmeline s'approcha et pointa un doigt fin vers son thorax. «Tu n'as pas encore assez de force. Et mes potions ne fonctionneront peut être pas. Etranger, dis-moi ce que tu es, je pourrai peut être te soigner.»

Roncebrume maugréa furieusement. «Je ne suis pas un monstre et je n'ai rien d'une bête de cirque.» En un geste las Emmeline désigna le pied du lit. «Bien entendu. Tu ne crois pas que je n'aie pas pris mes précautions?»

Roncebrume suivit son geste du regard, avant de se figer: on avait passé des colliers de perles noircies à chacun des quatre coins du lit. Le regard paniqué de Roncebrume n'avait pas échappé à Emmeline. Elle reprit, satisfaite. «Je sais que tu n'es pas dangereux. Mais tu n'es pas un être humain, et qui plus est tu m'as l'air unique en ton genre.»

Perplexe, Roncebrume protesta. Les Sylvari parcouraient le monde. Tout le monde en avait entendu parler!
La rage parcourut le visage d'Emmeline. Avant qu'il n'ait pu comprendre elle s'était penchée, avait saisi sa cheville, et la broyait en une poigne d'acier. Roncebrume n'avait jamais vu telle expression sur un visage humain. En sifflant elle reprit : «Tu mens fils de chien! Dis-moi la vérité ou je te le jure, je te désosse pour savoir ce que tu es!»
La panique fit taire Roncebrume. Déjà elle se redressait et reprenait son calme. «Je t'écoute.»

Cette fois Roncebrume raconta tout. L'Arbre Clair, le rêve, les premiers nés, le dragon. Par la fenêtre le ciel tournait au bleu sombre. Emmeline s'était assise sur un tabouret et silencieusement écoutait, avec un bref acquiescement de temps en temps. Enfin elle conclut. «Ainsi toi et les tiens, êtes les pousses d'un arbre surnaturel...Et chacun d'entre vous vit différemment le même rêve. Ha! J'aurais préféré partager mes rêves avec d'autres.»

Elle fit une pause, partit vers une table quelque part au fond de la pièce et revint avec une fiole. « Tout ça nous a fait une longue causerie, et il te faut te reposer.» Avant que Roncebrume ait pu protester elle l'avait fait s'asseoir. Rudement elle introduisit le goulot dans sa bouche avant de lui faire avaler le contenu d'un coup. Le liquide âcre au goût de cendres le fit tousser. Elle sourit froidement : «Oui ce n'est jamais agréable au début. Mais on s'y fait vite. Fais de beaux rêves!» Et en quelques instants les ténèbres engloutirent Roncebrume.

Il se réveilla il ne savait trop quand. C’était la nuit et le feu de l'âtre au mur d’en face éclairait son lit. Dans l'air flottait une odeur de soupe et quelqu'un avait allumé une bougie à la fenêtre. Il tenta de se relever, avec un peu plus de succès cette fois ci. «Ah te revoilà! C'est parfait la soupe est encore chaude.»
En quelques instants Emmeline était à ses côtés, bol de soupe, et cuillère à la main. Sans cérémonie elle le fit s'asseoir et entreprit de lui faire avaler une cuillerée après l'autre. La soupe était claire avec quelques morceaux de pain noir, et quelques légumes. Il toussa et parvint à contrarier la femme: «Essaie de manger proprement ou je te le jure fils d'ortie, tu passeras la nuit sans couverture!»

La soupe finie, elle le fit s'allonger. Il protesta : quand pourrait-il se lever? Elle lui retourna un regard sévère: «Roncebrume, tu te lèveras quand je l'aurai décidé. En attendant la nuit est là. Il vaut mieux attendre demain.» Pendant qu'elle s'affairait entre la marmite et la table au fond de la pièce, Roncebrume passa un regard rapide aux alentours: Emmeline avait déjà fermé les volets. Enfin après quelques instants elle revint, le toisa encore avant de se pencher vers lui. «Et je ne te conseille pas de sortir.» Sur ce, elle prit une bougie et passa derrière un paravent d'osier. Roncebrume entendit le grincement d'un lit alors qu'elle se couchait.
D'une voix somnolente elle ajouta« Ne fais pas le malin, sous mon toit ou au dehors, Roncebrume. Les gens ne commencent pas leur vie dans cette contrée...Par contre ils la finissent très rapidement.» puis le silence se fit. Elle n'avait pas soufflé la bougie.

Roncebrume passa le reste de la nuit à tenter de s'endormir à la lueur fantomatique d'une bougie cachée derrière un paravent. Le silence était seulement rompu par la respiration lente d'Emmeline. Un instant il crut entendre des pas au dehors...et finalement, à l'aube, il s'endormit.

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